Au coeur de la guerre du Vietnam: le site de Cu Chi

cu chi

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J’ai pu visiter la zone stratégique de Cu Chi lors d’une escale à Saïgon, et j’avoue que j’en ai eu plein les yeux, et j’en suis rentrée chamboulée. J’ai vécu une des expériences les plus déboussolantes de ma vie…

J’avoue mes lacunes, la guerre du Vietnam, je ne la connais qu’au travers de films plus ou moins bons, plus ou moins réalistes et américains. Platoon est paraît-il le plus réussi, le réalisateur, Oliver Stone, ayant été envoyé sur le front pendant ce conflit infernal. La zone de guerre, située dans le sud Viêt Nam, a sapé le moral des troupes américaines, plus importantes en nombre, mais pas habituées à ces conditions de combat. Les conditions: une humidité et une chaleur insupportable, des ennemis cachés au sein de la population locale de paysans. Et des cachettes sous forme de tunnels interminables…

Sur le site, à 1H30 de Saïgon, on nous présente au travers d’une maquette énorme une des grosses batailles de cette guerre. Au fond de la maquette de la zone, nous avons une vue en coupe des tunnels creusés par les vietcongs, ou Front national pour la libération du Sud Viêt Nam, pendant 10 ans. 200 km de tunnels aux alentours de Cu chi, ou l’ennemi soviétique de l’armée américaine se cachait, un endroit incroyable, excessivement étroit, très peu attirant… Nous n’avons aucun mal à nous représenter les conditions terribles et insoutenables de l’époque. Nous sommes trempés de transpiration, il fait une chaleur plus qu’étouffante, la chaleur intense et l’humidité de l’air nous contraint à ralentir le rythme… Quelle ingéniosité il aura fallut pour élaborer tout ça dans ces conditions!

cu chicu chi

Le site a été aménagé pour les sorties scolaires et les touristes, mais il est bâti sur le lieu même des combats… Nous pouvons voir ci et là des cratères énormes au milieu de la forêt, les restes d’explosions de bombes lâchées par les B52 par centaines lors des bombardements de la zone par les américains. Des ruines de maisons, des engins militaires laissés sur place, l’ambiance et le décor sont plantés. Notre guide est passionnant et nous comprenons enfin le pourquoi et le comment de cette guerre. 200000 hommes face à 8000 Vietcongs introuvables (pardon si les chiffres ne sont pas tout à fait exacts), qui vont tenir en échec cette grande armée dans une guérilla sanglante et sans fin…

cu chi

La visite se poursuit en parcourant certains des tunnels. Le premier me laisse surprise et angoissée. Je ne m’attendais pas à ça, il me faut avancer pliée en deux et sur une distance qui me parait longue. Je suis la collègue qui est devant moi la peur au ventre. J’avais déjà ressenti ça en Egypte dans les pyramides, je n’avais pas trop aimé me savoir sous la terre… Je suis heureuse que cela se termine assez vite… Des femmes, des enfants vivaient dans cet endroit, des naissances ont eu lieu, des familles se sont construites… Et des hommes, des femmes, et des enfants ont combattu à cu chi et ailleurs pour leurs idéaux (notez que je ne pourrai jamais prendre parti pour l’un ou l’autre des deux camps, n’étant pas assez cultivée sur ce sujet…)

cu chi

De reconstitution en reconstitution, nous plongeons progressivement au coeur de la zone de combats. Sous nos pieds, les tunnels. Nous apercevons des termitières, qui sont en fait des conduits d’aération déguisés. Un  monticule de terre se dresse devant nous, on ne s’en rend pas compte, il s’agit d’un bunker… Là sous les feuilles, l’entrée est camouflée. Une ouverture, extrêmement étroite, se découpe dans la terre. Un tunnel s’ouvre sous nos pieds, invisible deux secondes avant. Certains de mes collègues, aventuriers, s’y engouffrent, suivis aussitôt par une chauve souris… J’entends une hôtesse crier sous l’effet de surprise…

cu chicu chicu chi

cu chi

Ils ressortent enfin, je me dis que j’ai bien fait de ne pas les suivre. Nous continuons notre progression sous une moiteur accablante… Nous sommes littéralement écrasés par cette chaleur! Encore un tunnel à visiter, plus étroit. Notre guide nous confie qu’il est bien plus long que les précédents, que seuls ceux d’entre nous qui sont à l’aise avec ce type d’exercice peuvent le parcourir. Je ne m’en sens pas capable. Une hôtesse décide d’y suivre son petit ami, je me dis que si elle peut le faire, moi aussi. Et je n’aime pas regretter les choses à postériori. Je confie mon appareil photo et mon sac à un collègue victime de crampes qui nous attendra à la sortie.

cu chicu chi

Je respire un grand coup et m’engage plus courbée que jamais dans ce tunnel obscur et terrifiant. De loin en loin, nous rencontrons des lanternes, comme à l’époque à Cu chi. Le tunnel se rétrécis de plus en plus, je commence à avoir peur. Je ne veux pas me laisser distancer, je serre de près ma copine hôtesse. Deux collègues féminines sont derrière moi. La dernière progresse moins vite, nous ne l’entendons presque plus.

Je regarde le sol, n’ayant pas la place de redresser la tête. J’entends un cri devant moi, il y a une chauve souris apparemment. Entre mon corps et les parois du tunnel, très peu de marge. Si la bête volante se dirige vers moi je la sentirai certainement. Je commence à réaliser que je m’enfonce au coeur de la terre, il n’y a plus de lumière, je suis plongée dans le noir total. L’air est tellement dur à avaler, comme épais, ou rare. Ma respiration s’accélère, mais l’air n’arrive toujours pas à mes poumons! Je sens l’angoisse monter dans mon ventre et commencer à me paralyser!

Il faut que je me reprenne, ça n’a beau être qu’une visite touristique, je me sens prise au piège dans le ventre de la terre… J’arrête ma progression et essaye de me calmer. La panique n’est pas loin, si je veux sortir de cet enfer, il me faut me vider la tête de toute cette terreur et continuer à avancer. Je sens une main entre mes jambes, un petit cri étouffé derrière moi. Cela me ramène à la réalité, ma collègue cherche la sortie, je luis dit en rigolant que ce n’est pas le bon chemin…

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Il y a ensuite ce passage où je suis obligée de mettre les pieds en avant, je sens qu’il y a une pente devant moi… Je glisse sur les fesses comme dans un toboggan pendant quelques mètres, sans savoir ce qu’il y a devant moi. Je suis toujours dans le noir absolu, la peur au ventre… J’entends subitement des hurlements loin derrière moi. La dernière de la file a rencontré de près une chauve souris, elle est dans ses cheveux si je comprends bien. Je tourne sur ma gauche, obligée de me mettre à quatre pattes, presque aplatie sur le sol dans les entrailles de Cu chi.

Je me dis que ce tunnel ne se terminera jamais, que je ne suis peut être pas capable de ramper jusqu’à la sortie, que j’ai été optimiste sur mes capacités physiques, et que je ferai mieux de m’évanouir pour ne pas voir la fin arriver. Tout à coup, de la lumière à nouveau, puis devant moi, ma collègue qui disparaît. Ses pieds, et plus rien. Une minuscule ouverture, puis un coude et enfin le puits de sortie, vertical. Je me contorsionne comme je peux, l’angle droit formé par le tunnel est très difficile à appréhender. Je me hisse enfin jusqu’à la sortie, ma respiration reprend peu à peu un rythme normal, je parviens même à esquisser un sourire!

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Je suis plus que ravie de l’avoir fait, c’était long et difficile, je me suis dépassée et suis allée au bout de moi même. J’ai une pensée émue pour ces jeunes soldats américains qui s’engouffraient dedans, pas par choix, et qui avaient peur pour leurs vies. Des pièges acérés, des serpents, des scorpions, leur équipement lourd et volumineux… Je ne le referai pas, et je crois même que si on m’avait décrit précisément ce par quoi j’allais devoir passer, et dans quelles conditions, jamais je ne me serai lancée dans ce tunnel… Je pense que je m’en souviendrai toute ma vie, même si un sentiment d’irréalité s’est emparé de moi, et que j’ai l’impression d’avoir rêvé cette descente aux enfers dans les tunnels de Cu Chi!

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19 réflexions sur « Au coeur de la guerre du Vietnam: le site de Cu Chi »

  1. Tu décris tellement bien les choses que j’en ai eu des frissons …
    Cela donne malgré tout, envie de connaître cet endroit, rien que pour le souvenir
    Merci pour ton récit 😀

  2. Waouuuuuh….. On l’a vécu avec toi cette descente aux enfers… Très perturbant et unique comme expérience visiblement…
    En tout cas félicitations de l’avoir fait, comme tu dis, il ne faut pas regretter les choses à posteriori.
    Ton visage et ton regard sur la dernière photo sont bouleversants…
    Merci de nous raconter si bien cette aventure.

  3. je ne pourrais jamais le faire, c impossible! j’ai cru étouffer avec toi! l’horreur!
    et vue ta dernière photo toi qui est si souriante sa donne vraiment pas envie!

  4. Oh magnifique article et prenant aux tripes !! mais un témoignage du passé qu’il est bon de garder, je ne sait pas si j’aurai tenu sans hurler de terreur
    Je m’imaginai pas la vie des soldats au Vietnam comme ça !!
    Un grand merci de pour ce fabuleux reportage
    martine

  5. Merci pour la description de cette visite que je ferai sûrement jamais. Qu’elle angoisse mais bravo de t’être surpassé. Et dire que des gens ont vécu cela par obligation et par choix…

  6. J’ai adoré ton récit ! Très palpitant ! J’aurai été incapable d’en faire autant, j’ai horreur des endroits confinés et en plus avec des bestioles ! Les photos sont superbes.

  7. Ta copine hôtesse a l’impression de le vivre à nouveau !!! Ton récit est génial ! Et les photos sublimes !!!! Tu es trop forte !!! Si tu peux, envoie moi celle dans la termitière !

  8. Je crois qu’il est difficile de faire autant de fautes d’orthographe en si peu de mots ! Pardon, je suis allée bien trop vite pour écrire le com’ précédent. En vrai, j’ai 8 ans, ceci explique cela…

  9. Ton récit et très impressionnant. Je suis descendue avec toi dans ce tunnel par la lecture. Tes photos sont magnifiques. Mais quelle angoisse ! J’imagine les conditions pendant la guerre …

  10. Superbe article flying mama. Je n’ai jamais pu aller labas faute de revenu. Dire que mon grand-pere était la dessous à attendre la peur au ventre sous les bombardements. Tes photos et articles sur le Vietnam me font rêver grâce à toi je peux visiter ce pays chère à mes yeux, merci. Par contre ça me gêne quand tu parles d’ennemis cachés, qui est l’ennemi? L’envahisseur où l’habitant des lieux qui ne cherche que sa liberté?
    Merci encore pour toutes ces images qui me font rêver.

    • Il y avait deux (voire même peut être 3) camps dans cette guerre, ceux qui étaient cachés étaient forcément les ennemis des autres. La réciproque est aussi vraie, c’est pour ça que je précise dans le billet que je ne saurai prendre parti… J’espère vraiment qu’un jour tu pourras t’y rendre et voir de tes yeux ce pays magnifique!

  11. Ping : Inst'happy week 4

  12. Merci pour cet article sur un aspect que nous ne connaissons pas forcement. Merci aussi du coup d’être allé jusqu’au bout !
    Les enfants peuvent faire ce genre visites d’après toi , du moins en partie ? ou pas du tout?

  13. Déjà pas très à l’aise dans un espace réduit et victime de vertige affreux depuis l’arrivée de mon 2e je ne me vois mal traverser tout ce que tu as décrit. .j’en ai la boule au ventre!
    Chapeau à toi mais oui surtout à tous ces hommes…. Moi non plus je connais rien sur la guerre du Vietnam .. et ça ne me donne pas envie d’en savoir plus.
    Ces soldats, ces familles ont connu l’enfer. .
    Biz de normandie

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