Cela fait deux heures qu’il attend… Elle devrait être rentrée maintenant! Un pincement au coeur, son estomac se serre. Un mauvais pressentiment. Il allume la télévision, regarde sur internet. Rien, aucune mention d’un quelconque accident qui pourtant ne manquerait pas de faire la une après la série noire de l’été… On apprend les choses tellement vite de nos jours! Un évènement arrive et immédiatement, l’information fait le tour de la toile, des réseaux sociaux et des chaines d’information en continu… Il se dit que tout va bien, qu’elle a encore subit un retard sans gravité…
C’est toujours comme ça dans son travail. On sait lorsqu’elle s’en va, mais jamais quand elle rentre! En 10 ans il a appris à s’adapter aux exigences de son métier, à l’impact qu’il avait sur leur vie de couple, et sur leur famille, depuis qu’ils ont le bonheur d’être parents. Ce métier n’en est pas un en fait, c’est un sacerdoce… Au début de leur relation, ils adoraient ça, cela leur permettait de vivre des choses incroyables! Il se souvient avec nostalgie du temps où sur un coup de tête ils allaient faire un saut en parachute en Argentine, un treck au Chili, visiter un zoo à Madagascar, acheter des tongs au Brésil, se faire masser à Bangkok… Du temps d’avant leur enfant, les escapades autour du monde n’étaient pas rares, et l’hiver parisien leur semblait moins long…
Les à côté sympa se sont réduits au fil du temps, la fatigue, le manque de moyens, les avions tout le temps pleins, le temps réduit sur place, cela faisait maintenant six longues années qu’il ne l’avait plus suivit dans ses escales. Elle continuait à faire des escapades, mais seule, et de moins en moins. Il préférait quand elle s’amusait, elle rentrait plus épanouie encore, avec la fraicheur de sa jeunesse… Cela lui manquait, un peu. Mais pour la suivre il aurait dû faire garder leur fils, et ça, il n’en avait pas envie. Ce pauvre enfant était déjà suffisamment déboussolé de ne pas voir sa maman tous les jours, il ne pouvait pas non plus lui retirer la présence du papa!
Ce doux voyage dans le passé l’avait plongé dans une délicieuse rêverie. Ils en avaient encore tellement des choses à vivre! Un sourire au coin des lèvres, il embrassa son fils en lui souhaitant une belle nuit, peuplée de beaux rêves et des baisers de sa maman… Il était vraiment tard, il regarda encore une fois sa montre, et essaya de rappeler la femme qu’il aimait. Rien, le téléphone était toujours éteint. Il regarda le site de sa compagnie aérienne, et constata avec surprise que l’avion s’était pourtant posé… De plus en plus inquiet, il ne savait que faire, ni qui appeler, et se résolu à attendre encore un peu…
Très tard dans la soirée, le téléphone sonna. Une voix neutre au bout du fil… Il devait venir, au plus vite, on lui expliquerait tout sur place. Il raccrocha avec un goût métallique dans la bouche, il avait serré les dents tellement fort qu’il avait sectionné un morceau de sa langue… D’abord, appeler sa soeur, afin qu’elle vienne surveiller son fils en son absence… Ensuite, appeler un taxi, puisqu’ils n’avaient qu’une voiture, et qu’elle était partie avec. Conduire sa moto ne lui semblait pas très intelligent, vu l’état de stress dans lequel il était. On lui avait dit au téléphone, il pourrait la voir. Il avait compris que le pire ne s’était pas produit, mais ne parvenait pas à saisir pourquoi le lieu de rendez-vous était à Roissy, dans les locaux de la compagnie, et pas dans un commissariat ou un hôpital…
Le trajet en taxi se passa comme dans un épais brouillard. Et ce n’était pas dû à la météo, il pouvait voir les étoiles. Elles brillaient fort ce soir… Il regarda ses mains, pour éviter de penser à elle. Elles étaient blanches tellement il serrait ses doigts… Impossible de se détendre, il ne savait même pas comment il pouvait continuer à respirer. Heureusement que le corps humain est bien fait et que nous n’avons pas besoin de lui ordonner de faire fonctionner le coeur, les poumons, le cerveau… Trente minutes plus tard, le taxi s’engageait sur le parking. Pas de journalistes, mais des hommes en costumes sombres.
On le fit rentrer avec d’autres personnes aussi livides que lui dans une petite pièce. On aurait dit une petite salle de conférence. Surement un des endroits où avaient lieu les fameux stages de sa femme, pendant lesquels elle lui racontait qu’elle luttait contre le sommeil, n’étant tellement plus habituée à rester sans rien faire comme à l’école! Les hommes en costumes se présentèrent. Un médecin, des responsables de secteur de vol. D’autres personnes dont il a oublié le nom, le visage ou la fonction… Les mots du médecin résonnent encore dans son esprit… Cette maladie ne devait pas être plus qu’une grosse gastro, et pas contagieuse sans relation intime avec une personne contaminée…. Ils en avaient encore discutés il y a quelques jours lorsque son planning était sorti… Les syndicats appelaient au nolontariat, les médecins du travail jugeaient qu’il n’y avait aucun soucis…
Mais il se retrouvait quand même là, après avoir attendu sa femme en vain, consolant son petit garçon à qui elle avait promis un câlin avant qu’il ne s’endorme, dans une pièce étrange, en pleine nuit, entourée de personnes qui comme lui avaient les yeux écarquillés et rougis, ne comprenant pas comment sortir de ce cauchemar… Un décès était survenu à bord, la personne s’était vidée de tous ses fluides corporels, en pleine cabine… Ils parlaient d’une mesure de précaution, ils disaient que le personnel navigant était équipé et formé pour réagir face à une telle situation, mais lui savait que face à ça, des gants en plastique et un gel hydroalcoolique de valait rien… L’inquiétude montait en lui tel un volcan en éruption. Il demanda quand il pourrait voir sa femme. On lui répondit que l’équipage ainsi que les passagers avaient été placés à l’isolement dans un hôpital de la capitale. Il voulait lui parler, entendre sa voix, la consoler, la rassurer. Il aurait surement ce plaisir le lendemain ou les jours suivants, on le lui promis…
Le lendemain, ainsi que les jours suivants, il lui fallut harceler tous les services dont il trouvait le numéro pour avoir des nouvelles de sa femme… Et ce n’est qu’au bout de quelques jours qu’il pu enfin savoir où elle était. Il se précipita dans le métro en courant. Sa tête commençait à tourner, il ne savait pas de quand datait son dernier repas, ni depuis combien de jours il n’avait pas dormi… Le trajet jusqu’à l’hôpital lui sembla tellement long… Il arriva complètement essoufflé, ne parvenant pas a articuler un son audible. Il dû s’assoir pour récupérer la parole, et demander où il pouvait voir sa femme. La secrétaire médicale le regardait avec compassion, et lui indiqua la direction à prendre…
Il arriva dans le service des maladies infectieuses, et se dirigea vers la zone de quarantaine. On lui fit enfiler une combinaison de cosmonaute, avec masque et cagoule. Il avait du mal à respirer, la panique le gagnait.. Un sas, puis un deuxième, et enfin, une chambre stérile. Dans un lit là, au milieu de la pièce, une toute petite chose amaigrie. Elle avait été sa femme, belle, ronde, épanouie, il ne parvenait pas à faire le lien avec la forme chétive qu’il apercevait à travers la vitre de séparation… Des larmes perlaient sur ses joues, sa gorge de serrait. Il ne savait pas s’il pourrait à nouveau la serrer dans ses bras… Ebola était en train de lui prendre son seul amour…
*Il s’agit d’une pure fiction, à ma connaissance aucune hôtesse n’est en train de mourir de ce virus… J’extrapole, mais l’avenir pourrait donner à ce récit un goût d’avertissement…


Ma belle, je suis très touchée par ta nouvelle…j’en ai les larmes aux yeux et la gorge nouée…
Même si comme tu le dis cela n’est pas la réalité, on ne sait pas ce qui pourrait arriver demain et dans ton métier comme dans le mien et bien d’autres, le risque zéro n’existe pas…
Bisous
Lulu
Flippant… J’en ai frissonné ! Fais bien attention à toi autour du globe !
C’est juste bouleversant. Et j’espère que les compagnies aériennes vont savoir prendre les bonnes décisions afin d’éviter que cette fiction ne se réalise.
Ton histoire m’a donné des frissons …
Bon sang le flip, non mais franchement vous prenez vos précautions à bord? J’ai une peur bleue de ce virus, c’est fou !
poignant ,,, tu m’as fais flipper….
C’est très bien écrit et hélas terriblement réaliste. C’est exactement ce à quoi j’ai pensé ce matin quand les infos ont parlé des américains malades rapatriés dans leur pays. J’espère que tout est fait pour vous protéger. Prends soin de toi!
Bonjour! En plus d’être bien écrit c’est une fiction plus que réaliste! Bravo pour le message passé en espérant que certains prennent conscience de ce qu’ils font à eux tout d’abord mais aussi à leur famille! Trombo bisous 😉
C’est magnifiquement bien écrit! J’espère sincèrement que ça restera une fiction et que personne n’aura à vivre cela!
J’espère que les compagnies prennent un maximum de précautions avec ce virus!
Fais attention à toi <3
Vraiment émouvant..
Je ne comprend toujours pas pourquoi les pays où le virus Ebola fait rage soient toujours desservis par les avions. Il n’y a pas mieux comme vecteur d’épidémie et risquer qu’elle devienne mondiale..
Waouh…
Whaou que dire ! Déjà heureuse que cette nouvelle ne soit qu’une pure fiction.
Et puis bravo parce que cette nouvelle est super. Très bien écris. L’intrigue très bien menée. J’en ai encore des frissons.
Magnifique « nouvelle »… Tu m’as fait froid dans le dos.
C’est bouleversant, je n’ai pas d’autres mots
Et bien, j’y ai cru jusqu’au bout… . Heureux de savoir que savoir que ce n’est qu’une fiction.
C’est le cœur gros et les larmes aux yeux que je t’écris.
Je ne trouve pas les mots pour m’exprimer car tout est mélangé.
Bravo pour ce billet et merci
Outch, je ne m’attendais pas du tout à cette chute !
J’imagine ton appréhension, tu fais sans doute bien de mettre des mots dessus et de nous le rappeler.
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Waouh, c’est flippant ,heureusement pas réel, moi je suis une maman d’hôtesse de l’air et c’est tout à fait ce que je ressens…
Tellement bien écris!
Lise
Quel texte poignant criant de vérité! Quel métier… Bravo!
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Ouhhh ça donne des frissons